Vous avez peut-être déjà entendu ce mot, car des deepfakes, on en trouve de plus en plus sur Internet. Si vous connaissez l’anglais, quand vous lisez ou entendez le mot deepfake, la traduction de ce terme vous vient tout de suite à l’esprit : un faux profond. C’est-à-dire, quelque chose qui est profondément faux, truqué à sa base. Cette idée n’est pas loin de la vérité, mais elle a besoin de quelques précisions que nous allons vous donner dans cet article.
Nous allons parler des deepfakes, de la définition de ceux-ci, de l’histoire de leur apparition, des types de deepfakes, des domaines et des objectifs de leur utilisation, de la technologie de leur création, des risques qu’ils impliquent et des méthodes de protection. Plongeons dans le vif du sujet.
Que sont les deepfakes ?
Commençons par éclaircir la signification du terme “deepfake”. Les deepfakes sont de fausses vidéos créées à l’aide de logiciels numériques, de l’apprentissage automatique et de l’échange de visages. En fait, la partie “deep” vient de “deep learning” – “apprentissage profond”. Il s’agit de l’apprentissage automatique qui a permis, entre autres, d’énormes progrès dans la reconnaissance faciale et vocale, ce qui est essentiel pour la création de deepfakes.
Les deepfakes sont des vidéos artificielles créées par ordinateur dans lesquelles des images sont combinées pour créer de nouvelles séquences qui dépeignent des événements, des déclarations ou des actions qui ne se sont jamais réellement produits. Les résultats peuvent être très convaincants. Les deepfakes se distinguent des autres formes de fausses informations par le fait qu’il est très difficile de les identifier comme fausses. En français, ce genre de vidéos sont appelés également des vidéos hypertrucages, infox ou vidéotox.
Quelle est la technologie à la base des deepfakes ?
Les premières vidéos en 2D où les visages des personnes avaient été remplacés à l’aide des logiciels, datent de 2016. En juillet 2017, sur la BBC on pouvait entendre le discours de Barack Obama prononcé en réalité par une IA imitant presque parfaitement sa voix.
Le concept de base de cette technologie est la reconnaissance faciale. Les utilisateurs de Snapchat connaissent bien les fonctions d’échange de visage ou de filtres qui appliquent des transformations ou augmentent les traits de votre visage. Les deepfakes sont similaires mais beaucoup plus réalistes.
Les fausses vidéos peuvent être créées à l’aide d’une technique d’apprentissage automatique appelée « generative adversarial network » (“réseau antagoniste génératif”) ou GAN. Par exemple, un GAN peut examiner des milliers de photos de Beyonce et produire une nouvelle image qui se rapproche de ces photos sans être une copie exacte d’aucune d’entre elles. Le GAN peut être utilisé pour générer un nouveau son à partir d’un son existant, ou un nouveau texte à partir d’un texte existant – il s’agit d’une technologie à usages multiples.
La technologie utilisée pour créer les deepfakes est programmée pour cartographier les visages en fonction de points de repère. Il s’agit de caractéristiques telles que les coins des yeux et de la bouche, les narines et le contour de la mâchoire.
Pourquoi crée-t-on des deepfakes et comment les utilise-t-on ?
Comme vous pouvez bien le deviner, les deepfakes sont créés le plus souvent pour divulguer de fausses nouvelles ou des canulars malintentionnés. On crée des contenus capables d’entacher la réputation des célébrités et des politiciens. Un tel usage peut avoir pour but le chantage ou la manipulation de l’opinion publique à l’approche des élections.
Cependant, la technologie d’hypertrucage peut apporter des bénéfices aussi, dans l’art, par exemple. On peut employer l’IA pour recréer les grands acteurs ou actrices du passé, comme cela a été fait avec Ornella Mutti en 2018. Finalement, toute technologie n’est ni bonne ni mauvaise en soi, c’est à la personne qui l’utilise de décider quel usage en faire. Si vous souhaitez créer des mems inoffensifs ou faire rire vos amis, nous allons vous suggérer quelques programmes que vous pouvez utiliser pour créer des deepfakes vous-même.
Comment créer différents types de deepfakes ?
Si l’on parle des vidéos hypertrucages, l’application de référence est FakeApp sortie en janvier 2018 et axée sur la création et le partage de vidéos avec des visages échangés. Et pas uniquement des visages. Il est possible de faire de même avec le corps entier, en transposant, par exemple, une personne sur les mouvements d’un professionnel de la danse. Le flou de travail de l’application est basé sur les réseaux neuronaux artificiels et l’outil open source par Google TensorFlow. Pour son fonctionnement correct, il vous faut une carte graphique puissante et de 3 à 4 Go de stockage. Pour remplacer le visage d’une personne sur la vidéo cible, vous devez charger un grand nombre de ses photos.
Si cela votre PC n’a pas les performances nécessaires ou que vous n’êtes pas un féru des technologies audio-visuelles de pointe, mais que vous voulez tout de même jouer un tour à vos amis et produire du contenu rigolo pour vos réseaux sociaux, vous pouvez créer un deep fake photo en tout simplicité : changer de visage sur une photo pour représenter votre ami en super héros, super star ou super athlète par exemple.
En ce qui concerne l’hypertrucage audio, le logiciel prototype de ce genre – Adobe Voco – a été présenté en 2016 comme un équivalent de Photoshop pour la voix qui pourrait faire partie d’Adobe Creative Cloud dans l’avenir. Cependant, la date de sortie de ce logiciel innovant n’a toujours pas été annoncée. Il existe également d’autres outils, tels que LyreBird et WaveNet. Le premier est axé sur la reproduction d’une voix humaine source, tandis que le second représente un réseau de neurones capable de modifier directement des ondes sonores afin de générer des voix ressemblant à celles des êtres humains. Ce système de synthèse vocale pourrait rivaliser avec les meilleurs outils de ce type développés par Google.
Quels sont les dangers des deepfakes ?
En parlant des deepfakes, nous n’avons pas pu ne pas inclure quelques avertissements concernant leur divulgation. Le développement de ce type de technologies ont des implications sociales, morales et politiques évidentes.
Le véritable danger potentiel des fausses informations et de la technologie deepfake est de susciter la méfiance ou l’apathie des gens à l’égard de ce que nous voyons ou entendons en ligne. Si tout peut être faux, cela signifie-t-il que plus rien n’est réel ? Malgré les preuves vidéo, certaines personnes remettent déjà en question les faits entourant des événements qui se sont incontestablement produits, comme l’Holocauste, l’alunissage et le 11 septembre. Si les deepfakes font croire aux gens qu’ils ne peuvent pas faire confiance aux vidéos, les problèmes de fausses informations et de théories du complot pourraient s’aggraver.
L’une des préoccupations les plus courantes et l’un des dangers potentiels des fausses nouvelles et des fausses informations en général est l’impact qu’elles peuvent avoir sur les processus démocratiques et les élections. Selon une nouvelle étude, les électeurs peuvent se former de faux souvenirs après avoir vu des nouvelles fabriquées, en particulier si ces histoires s’alignent sur leurs convictions politiques.
Comment repérer les deepfakes ?
Comme pour tous les types d’informations que nous rencontrons en ligne, la chose la plus importante à faire pour déterminer si des vidéos ou des images en ligne sont authentiques et réelles est de faire preuve d’esprit critique. Il est bon de se poser des questions clés telles que :
- Qui et pourquoi quelqu’un partage-t-il cette vidéo ?
- Qui ou quoi est la source originale ?
- Quand et où la vidéo a-t-elle été prise ?
- La personne dans la vidéo dit-elle quelque chose que l’on ne s’attendrait pas à ce qu’elle dise ?
- La vidéo fait-elle avancer l’agenda de quelqu’un d’autre ? Qui profite de cette vidéo ?
Conclusion
En gardant l’esprit critique et en demeurant conscient de l’usage maléfique potentiel des technologies d’hypertrucages audio-visuels, vous pourrez vous protéger des fausses informations qui pourraient vous nuire tout en utilisant ces mêmes technologies pour des buts créatifs ou lucratifs.
